Par Marc de Man
INTRODUCTION
Bonjour mes amis.
Permettez-moi de m’adresser à vous dans la langue de Molière.
Mon sujet ce matin concerne le droit de recouvrement d’une perspective canadienne.
J’essayerai d’être le plus pratique possible, d’éviter une analyse détaillée de la jurisprudence, et de me concentrer simplement sur les recours disponibles, les prérequis juridictionnels, l’avis de réclamation, la prescription, la durée des causes, les honoraires, les déboursés, le cautionnement et la limitation qui seront traitées dans les réclamations de droit maritime, de droit aérien, de droit de transport ferroviaire et routier.
En matière maritime, le Canada, même s’il est considéré comme « quelques arpents de neige » par Voltaire, est une juridiction privilégiée puisque son système juridique émane de la Common Law anglaise et du droit civil du continent européen. Dans la province de Québec, les systèmes juridiques de la France et de l’Angleterre se fusionnent, adoptant la Common Law dans certains domaines, et le Code Napoléon, amendé avec le temps, dans d’autres domaines.
Cette fusion des systèmes juridiques donne lieu à quatre remèdes légaux efficaces ou recours utilisés dans des situations où le créancier doit se protéger quand le débiteur est en position de dissiper ses biens avant un jugement final, ou lorsqu’il y a crainte qu’une fois un jugement final obtenu, il n’y aura pas de biens disponibles pour satisfaire à un jugement de la Cour, ou une sentence arbitrale contre le débiteur.
- ACTION IN REM
Le premier recours est l’action in rem contre le transporteur maritime. Cette action est prévue spécifiquement dans les Règles des Cours fédérales (DORS/98-106). Ce recours origine du droit romain et a été appliqué de l’époque médiévale jusqu’à présent par les Cours d’Amirauté anglaises. C’est une action directe contre la res ou la chose en latin, généralement, le navire. La Cour fédérale du Canada, à l’article 22 des Règles, expose les situations dans lesquelles on peut invoquer cette action. Inter alia, ce recours est disponible aux propriétaires de cargaison qui ont souffert des dommages en raison de l’état de non-navigabilité du navire, ou encore pour les fournisseurs de mazout qui n’ont pas été payés par l’armateur, ainsi que les fournisseurs de biens et services au navire, etc.
Plus particulièrement, si un navire se trouve dans la juridiction canadienne, et qu’il cause des dommages considérables à une cargaison, le propriétaire de cette cargaison peut intenter une action in rem devant la Cour fédérale, par l’émission d’une Déclaration, accompagnée d’un affidavit pour obtenir un mandat de saisie. Cet affidavit sera révisé par l’administrateur, fonctionnaire de la Cour fédérale, et si une réclamation est établie prima facie contre le navire en question, le mandat de saisie sera émis suivant les dispositions de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7).
Ce mandat de saisie sera signifié à bord du navire par le shérif ou l’huissier. Cette saisie paralyse effectivement le navire et il ne pourra être libéré à moins que l’armateur ne fournisse une caution adéquate, tel qu’une lettre d’engagement (Letter of Undertaking) du Club P & I, une caution, ou toute autre garantie adéquate, ou qu’un règlement de la réclamation intervienne. À défaut de pouvoir fournir une garantie, le navire ne pourra être relâché, et il pourra être vendu en justice à l’issue du litige.
L’action in rem agit de façon à empêcher que le navire en cause n’échappe à la juridiction canadienne sans l’assurance qu’une caution pour le paiement de la dette après jugement ne soit donnée. C’est une procédure très utile et efficace, mais avec certaines limites. Par exemple, elle ne s’applique qu’à l’égard du navire qui a causé le dommage. De plus, si le navire a subi des dommages suite à un abordage, ou si le navire échoue, sa valeur sera d’autant diminuée et quelques fois, la caution ne sera pas disponible. Finalement, l’action in rem ne s’étend pas aux autres biens du débiteur.
Un aspect intéressant de l’action in rem est que la procédure peut être intentée presqu’instantanément. Nous recevons les documents par téléfax ou courrier électronique. Nous n’avons pas besoin d’une procuration pour agir, et nous ne sommes pas obligés de fournir une caution pour saisir le navire.
L’action peut être intentée à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Dans une affaire, j’ai été obligé d’intenter la procédure à deux heures du matin. La Cour fédérale a un numéro d’urgence. Le fonctionnaire de la Cour, une fois rejoint, appelle la Gendarmerie royale du Canada qui ouvre les portes de la Cour, ce qui permet au fonctionnaire de la Cour d’émettre le mandat de saisie.
On utilise ce recours généralement contre les navires tramp. Par contre, on évite de l’utiliser contre les navires liner, à moins que la réclamation ne soit très élevée.
- LA SAISIE DU NAVIRE JUMEAU (SISTER-SHIP ARREST)
La saisie du navire jumeau (ou sister-ship arrest) est le deuxième recours, introduit au Canada en février 1992. À l’article 43(8) de la Loi sur les Cours fédérales, l’action in rem est étendue à l’égard de tout navire qui, au moment où l’action est intentée, appartient au véritable propriétaire du navire en cause dans l’action.
L’expression « véritable propriétaire » a été interprétée par la Cour fédérale du Canada comme étant synonyme de « propriétaire enregistré » du navire. Cette interprétation a réduit l’efficacité de ce recours, mais si on produit un affidavit qui démontre une propriété commune, on constate que c’est un outil utile pour ceux qui font des réclamations contre des flottes maritimes. De la même façon, nous ne devons pas déposer de caution, ni de procuration.
- L’INJONCTION MAREVA
Le troisième recours est l’injonction Mareva, ou Restraining Order.
Les critères pour son octroi sont les suivants:
- La demanderesse doit avoir une cause d’action contre la défenderesse à l’intérieur de la juridiction de la cour.
- Tel que décidé par la Cour suprême du Canada, la demanderesse doit établir une cause prima facie solide sur les mérites.
- La demanderesse doit établir que la défenderesse possède des biens à l’intérieur de la juridiction.
- La demanderesse doit montrer un risque réel que la défenderesse a l’intention d’enlever ou de déménager ses biens de la juridiction canadienne ou disposer de ses biens dans la juridiction.
- En raison du déménagement des biens de la défenderesse, la demanderesse sera incapable d’exécuter le jugement contre la défenderesse.
- Comme c’est le cas avec toute injonction interlocutoire, le demandeur doit fournir une caution pour dommage.
L’injonction Mareva est un recours in personam. On dit au défendeur « si vous avez des biens, vous ne pouvez pas en disposer ». Pour rendre exécutoire l’ordonnance du juge, les personnes qui détiennent les biens du débiteur, telles que les banques ou les tierces parties, doivent comparaître et se plier à l’ordonnance du juge. Si la tierce partie est au courant de l’injonction mais agit contre l’ordonnance du juge, cette tierce partie sera condamnée pour outrage au tribunal.
L’injonction Mareva peut être présentée devant les cours des provinces de Common Law ainsi que devant la Cour fédérale du Canada qui a juridiction en matière maritime.
- LA SAISIE AVANT JUGEMENT
Le quatrième recours est la saisie avant jugement, appelé en France « la saisie conservatoire ». C’est l’équivalent de l’injonction Mareva de la Common Law. On la trouve dans le Code de procédure civile du Québec, dérivé de la procédure française.
L’article 733 du Code de procédure civile du Québec se lit comme suit:
Le demandeur peut, avec l’autorisation d’un juge, faire saisir avant jugement les biens du défendeur, lorsqu’il est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa créance ne soit mise en péril.
Il faut noter qu’avec ce recours, le demandeur n’est pas obligé de présenter une caution pour dommage. Par contre, la caution est un prérequis dans le cas de l’injonction Mareva.
La saisie avant jugement s’intente avec un bref devant les cours provinciales du Québec (la Cour supérieure ou la Cour du Québec) tandis que l’injonction Mareva est seulement présentable devant la Cour fédérale du Canada et les cours des provinces de Common Law. Finalement, que cela soit la saisie avant jugement ou l’injonction Mareva, ces recours doivent être accompagnés d’affidavits détaillés signés par le demandeur ou son représentant, le tout présentable devant un juge. Par contre, avec l’action in rem ou le sister-ship arrest, l’avocat de la demanderesse présente l’affidavit pour l’obtention du mandat de saisie à un fonctionnaire de la cour. Il ne doit pas plaider devant un juge. Pourvu que l’on tombe à l’intérieur des paramètres décrits par la Loi sur les Cours fédérales et ses Règles, le mandat de saisie est émis par le fonctionnaire de la cour. Cela peut nous prendre une heure pour préparer une saisie in rem, un peu plus de temps pour le sister-ship arrest, mais l’injonction Mareva ou la saisie avant jugement nécessitent quelques jours de préparation.
Je viens de vous décrire les recours extraordinaires qui sont à la disposition de la partie demanderesse en matière de droit maritime.
JURIDICTION DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que la Cour fédérale du Canada a juridiction partout au Canada. C’est à dire que si on intente une poursuite pour perte de cargaison alors que le navire se trouve au port de Vancouver, province de la Colombie-Britannique, l’action peut être intentée à Montréal, province de Québec.
JURIDICTION CONCOMITANTE (CONCURRENT)
Un autre aspect à considérer est que les cours provinciales ont une juridiction concomitante avec la Cour fédérale du Canada, mais ces cours provinciales n’appliquent pas les recours extraordinaires de l’action in rem et le sister-ship arrest. Ces recours peuvent uniquement être exercés par la Cour fédérale qui a compétence en matière d’amirauté et d’aviation. En fait, la Cour fédérale applique la loi fédérale. Les cours provinciales peuvent appliquer la loi fédérale ainsi que la loi provinciale. En fait, elles ont une juridiction plus vaste.
Lorsque nous recevons un dossier, une des premières questions que nous nous posons est la suivante: dans quelle cour devons-nous intenter la poursuite?
JURIDICTION EN GÉNÉRAL
Un deuxième aspect à considérer d’un point de vue pratique est celui de la juridiction.
En 2001, le Parlement canadien a introduit la Loi sur la responsabilité en matière maritime (L.C. 2001, ch. 6). L’article 46(1)(e) prévoit ce qui suit:
46 (1) Lorsqu’un contrat de transport de marchandises par eau prévoit le renvoi de toute créance découlant du contrat à une cour de justice ou à d’arbitrage en un lieu situé à l’étranger, le réclamant peut, à son choix, intenter une procédure judiciaire ou arbitrale au Canada devant un tribunal qui serait compétent dans le cas où le contrat aurait prévu le renvoi de la créance au Canada, si l’une ou l’autre des conditions suivants existe:
a) le port de chargement ou de déchargement – prévu au contrat ou effective – est situé au Canada;
b) l’autre partie a au Canada sa résidence, un établissement, une succursale ou une agence;
c) le contrat a été conclu au Canada.
Cette disposition élimine l’application des fameuses clauses de juridiction qu’on retrouve souvent dans les connaissements.
Une clause de juridiction typique se lit comme suit:
Any claim or dispute whatsoever arising in connection with the carriage under the Bill of Lading shall exclusively be governed by English law and determined by the High Court of London.
Le conflit entre la disposition législative et une clause de juridiction insérée dans un connaissement a donné lieu à plusieurs recours en injonction anti-procédures entre les cours canadiennes et anglaises. Sans entrer dans les détails de la jurisprudence, il suffit de mentionner le cas le pus récent, soit l’arrêt Mazda Canada Inc. v. Mitsuit OSK Lines et al. (2007 FC 916) qui a mentionnéque l’intérêt public canadien a été énoncé dans l’article 46.
Si un des éléments de l’article 46 est présent dans un connaissement maritime, ceci constitue une connexion réelle et substantielle avec le Canada et on ne doit pas accorder de l’importance à la clause de juridiction qui se trouve à l’endos du connaissement.
En fait, l’article 46 de la Loi sur la responsabilité maritime élimine complètement les complications qui sont survenues aux États-Unis en raison de l’arrêt SKY REEFER (1995) de la Cour suprême des États-Unis ((94-623), 515 U.S. 528 (1995)).
PRESCRIPTION
En matière maritime, le Canada est sujet aux règles de La Haye-Visby. Cela veut dire que la poursuite pour perte ou dommages à la cargaison doit être intentée dans l’année de la date de livraison de la marchandise, ou la date à laquelle cargaison aurait dû être livrée.
AVIS DE PERTE
Les personnes qui ont un intérêt dans la cargaison, que cela soit les propriétaires de la cargaison ou les assureurs de la cargaison, doivent émettre un avis de perte par écrit dès qu’ils ont connaissance de la perte.
LIMITATION DE RESPONSABILITÉ
Les Règles de la Haye-Visby à l’article IV(5)(a) prévoient que si l’expéditeur n’a pas déclaré la nature et la valeur de la cargaison avant l’expédition et ne l’a pas insérée dans le connaissement maritime, le navire et l’armateur seront responsables pour la perte ou le dommage de la cargaison seulement d’un montant le plus élevé de 666,67 droits de tirage spéciaux par paquet ou unité (un droit de tirage spécial vaut 1,68 $ Canadien aujourd’hui) ou 2 droits de tirage spéciaux par kilo du poids brut de la cargaison perdue ou endommagée. Cette limitation est plus élevée que la limitation de COGSA qui s’applique aux réclamants américains.
Le montant total à recevoir est calculé en prenant en considération la valeur de la cargaison au moment et à l’endroit où le cargo a été déchargé ou aurait dû être déchargé du navire, conformément au contrat de transport.
La valeur de la cargaison est établie selon le cours en bourse en vigueur, ou s’il n’y en n’a pas, selon la valeur courante du marché pour une cargaison de même nature et de même quantité.
Lorsqu’un conteneur, une palette ou autre article similaire de transport est utilisé pour consolider la cargaison, le nombre de paquets, parcelles ou unités énoncé dans le connaissement sera pris en considération. Par exemple, si un conteneur contient 500 boîtes de paires de chaussures, chaque boîte sera considérée comme une unité ou un paquet.
Il existe aussi une autre limitation qui est prévue dans la Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes avec le Protocole de 1996. Cette limitation est invoquée par l’armateur lorsque la perte de la cargaison est considérable. Autant les Règles de La Haye-Visby que la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes imposent des limitations qui sont pratiquement impossibles de s’affranchir. Ceci vient d’être décidé par la Cour suprême du Canada le 23 avril 2014 dans l’arrêt Peramoco Inc. c. Société TELUS Communications [2014] 1 RCS 621.
La Convention sur la limitation de responsabilité en matière de créance maritime prévoit la création d’un fonds calculé sur la base du tonnage du navire et impose une limitation de responsabilité qui s’applique à toutes les réclamations de cargaison qui proviennent du même incident.
TRANSPORT AÉRIEN
Le Canada a adopté la Loi sur le transport aérien (L.R.C. (1985), ch. C-26) et ses amendements qui incorporent la Convention de Varsovie et ses protocoles ainsi que la Convention de Montréal.
Pour les réclamations de perte ou dommages à la cargaison, la poursuite contre le transporteur aérien doit être introduite au plus tard dans les deux ans suivant de la date d’arrivée ou de l’arrivée attendue de l’avion, ou encore de la date à laquelle le transport a été interrompu. La limitation est de 19 droits de tirage spéciaux par kilo, ou, en dollars canadiens, 31,92 $ par kilo.
Il est difficile d’exclure cette limitation de responsabilité en cas de faute lourde et/ou grossière négligence car selon la Convention de Montréal, on ne peut plus invoquer cet argument.
Au Canada, les cours provinciales ainsi que la Cour fédérale ont juridiction concomitante pour entendre la cause contre le transporteur aérien.
L’avis de perte doit être fait par écrit et présenté dans les 14 jours de la date de réception de la cargaison. Dans les cas de retard de la livraison, l’avis écrit doit être présenté dans les 21 jours de la date à laquelle la cargaison aurait dû arriver.
TRANSPORT TERRESTRE
Le transport terrestre est gouverné par les lois de chaque province au Canada. Si le contrat de transport entre le camionneur et l’expéditeur intervient dans la province de Québec, la prescription est de trois ans de la date de livraison de la cargaison ou de la date à laquelle la cargaison aurait dû être livrée. Au Québec, suivant la Loi sur les transports (Chap. T-12) et ses règlements, le camionneur limite sa responsabilité à 4,41 $ par kilo à moins que l’expéditeur n’ait déclaré une valeur plus élevée au connaissement. Cette limitation de responsabilité peut être mise de côté si on est capable de faire la preuve d’une faute lourde ou de négligence grossière de la part du camionneur.
L’avis écrit de la perte, de dommages ou de délai de livraison de la marchandise doit décrire l’origine, la destination, la date de l’expédition et le montant estimé de la réclamation. Cet avis doit être présenté au camionneur 60 jours après la livraison, et s’il n’y a pas de livraison, dans un délai de neuf mois de la date d’expédition.
La réclamation finale avec preuve de paiement du fret doit être présentée dans un délai de neuf mois suivant la date de l’expédition.
J’aimerais dire quelques mots sur le détournement ou hijacking à main armée pour voler les conteneurs et leur contenu. Généralement, ce type d’événement survient dans les cas de cargaisons de métaux, telles que les anodes de cuivre ou autres cargaisons similaires.
La défense de « cas fortuit » ou « force majeure » est inévitablement invoquée par le camionneur dans une situation de vol à main armée.
L’honorable Hélène Poulin de la Cour supérieure du Québec, dans l’arrêt Nexans Canada c. Papineau International, s.e.c. (2008 QCCS 5553, confirmé en Cour d’appel, 2010 QCCA 1682), cite l’article 2049 du Code civil du Québec, qui prévoit que le transporteur est responsable, à moins qu’il ne prouve la force majeure.
En ce qui concerne le hijacking ou le détournement à main armée, la doctrine et la jurisprudence exigent trois caractéristiques pour que l’incident puisse être considéré comme étant une « force majeure ». La première est l’imprévisibilité, la seconde, un événement irrésistible et la troisième, des causes externes avec les mêmes caractéristiques.
La Cour a décidé que les camionneurs sont obligés de prendre toutes les précautions normales pour prévenir le vol. Ils ne devraient d’aucune façon faciliter la perpétration du vol ou commettre une faute. Ainsi, la force majeure ou le cas fortuit n’est pas une défense pour le camionneur dans les cas de hijacking ou de détournement à main armée s’il y a quelqu’élément de négligence de la part du camionneur.
TRANSPORT FERROVIAIRE
Les compagnies de chemins de fer sont régies par la Loi sur les transports au Canada, (L.C. 1996, ch. 10).
L’article 137 de cette Loi prévoit que la compagnie de chemins de fer ne peut pas limiter ou s’exonérer de sa responsabilité envers l’expéditeur à moins que cela soit fait par convention écrite ou contrat de taux de fret confidentiel signé par l’expéditeur ou une association représentant l’expéditeur.
L’arrêt Boutique Jacob c. Canadian Pacific Railway, en première instance et en appel, a clarifié la portée de cette convention écrite.
En première instance (2006 FC 217), la Cour fédérale a déterminé que Canadian Pacific Railway (« CPR ») ne pouvait limiter sa responsabilité parce qu’il n’avait pas conclu une entente écrite ou un contrat de taux de fret confidentiel avec l’expéditeur ou une association représentant l’expéditeur.
Il s’agissait d’un cas de déraillement de train et Boutique Jacob a poursuivi le transporteur maritime n’opérant pas de navire (NVOCC), le transitaire, le transporteur maritime OOCL et le transporteur ferroviaire CPR. La seule partie tenue responsable des dommages par la Cour fédérale en première instance fut le transporteur ferroviaire CPR qui ne pouvait limiter sa responsabilité.
La Cour d’appel a renversé la décision (2008 FCA 85) et a décidé, selon une étrange logique, que l’expéditeur en l’espèce était le transporteur maritime OOCL et non pas l’expéditeur réel Boutique Jacob.
La Cour d’appel a considéré qu’OOCL avait directement contracté avec le transporteur ferroviaire CPR par le biais d’un contrat de taux de fret confidentiel et que c’est OOCL qui avait remis le conteneur de marchandises à CPR à Vancouver. Aussi, il y avait, tel que requis par l’article 137 de la Loi sur les transports au Canada, une entente entre le transporteur ferroviaire et l’expéditeur. Cependant, il est à remarquer que cette entente n’était pas signée par les parties.
La Cour d’appel a décidé que cette entente non signée permettait au transporteur ferroviaire de limiter sa responsabilité à un montant équivalant à la limitation de responsabilité de la compagnie maritime prévu au connaissement maritime qui était en l’occurrence 2,00 $US par livre du poids brut des biens endommagés et/ou perdus. Ainsi, le transporteur ferroviaire a été condamné à verser le montant de 1 432,89 $C au lieu du montant de 71 550,47 $C réclamé.
La Cour d’appel a de plus conclu que le transporteur ferroviaire aurait pu, en tout état de cause, limiter sa responsabilité en vertu des clauses Himalaya contenues dans les connaissements maritimes d’OOCL ainsi que dans les connaissements du transporteur maritime n’opérant pas de navire (NVOCC).
Cette cause n’a pas été portée en appel à la Cour suprême du Canada.
Par conséquent, la prescription pour poursuivre le transporteur ferroviaire dans un tel cas est d’un an et l’avis de perte à donner à ce transporteur est similaire à celui qui devrait être présenté au transporteur maritime.
CAUTIONNEMENT
Le cautionnement est requis seulement si on intente le recours de l’injonction Mareva.
Un autre type de cautionnement existe en cour, qu’on appelle le cautionnement pour frais. Ce cautionnement est exigé par la partie défenderesse de la partie demanderesse si cette dernière est une entité légale dont le siège social est à l’étranger. Ce cautionnement pour frais est gardé habituellement dans le compte en fidéicommis de l’avocat de la partie demanderesse, et la partie défenderesse aura le droit de se faire payer les frais légaux à même ce montant si la Cour décidait que la partie demanderesse était responsable des dépens au terme du litige. Si au terme du litige, aucun dépens n’est payable par la partie demanderesse, le montant du cautaionnement lui sera remboursé.
GESTION DES CAUSES
Les causes devant la Cour fédérale du Canada, qu’elles soient de droit maritime, droit aérien ou autres, sont entendues en moyenne deux ans après leur institution s’il n’y a pas, dans l’intervalle, un règlement entre les parties. Le même délai s’applique aux actions intentées devant les cours provinciales. Ce délai est approximatif. En Cour fédérale, les juges s’impliquent personnellement dans la gestion des causes, et ils encouragent la médiation et l’évaluation neutredu dossier pour obtenir des règlements. Chaque cause a un juge attitré qui gère le dossier. En cour provinciale du Québec, une des parties peut demander au juge en chef qu’un juge soit nommé pour agir comme médiateur dans la dispute. La médiation est fondée sur la bonne foi de toutes les parties qui doivent montrer le désir d’en arriver à un règlement. C’est une procédure intéressante puisque les parties elles-mêmes doivent présenter leur position au juge et ce, sans argumentation de la part des avocats.
HONORAIRES DES AVOCATS
Les honoraires sont décidés entre l’avocat et son client. Dans notre juridiction, s’il y a entente entre l’avocat et son client, l’avocat peur agir sur une base de pourcentage du recouvrement plus les déboursés. Le pourcentage pour une réclamation pour perte à la cargaison est normalement fixé à 25 % du recouvrement, plus les déboursés. Il peut y avoir plusieurs variantes de cette formule.
J’ai déjà vu des pourcentages plus hauts, des pourcentages plus bas, des pourcentages basés sur un recouvrement de base à un taux et des pourcentages plus bas au fur et à mesure que le montant du règlement est plus haut. J’ai déjà vu une combinaison de pourcentage et taux horaire plus les déboursés. Dans certains cas, l’avocat peut demander de se faire payer à un taux horaire plus bas, mais s’il y a un recouvrement, il peut arriver à un pourcentage convenu et rembourser le montant reçu sur la base d’un taux horaire.
S’il n’y a pas d’entente sur la base d’un pourcentage, l’avocat demandera qu’il soit payé sur une base de taux horaire. Les taux horaires au Canada peuvent varier entre 250 $ et 650 $ en fonction de l’expérience ou de l’ancienneté de l’avocat. En pratique, l’avocat qui agit pour la partie demanderesse agit sur une base de pourcentage, et l’avocat de la partie défenderesse agit sur une base de taux horaire. Si nous recevons un dossier de nos collègues américains, nous facturons habituellement deux tiers d’un tiers du recouvrement (⅔ de ⅓).
FRAIS
Une distinction importante doit se faire entre les frais judiciaires et les frais extra-judiciaires.
Les frais judiciaires sont ceux prévus par les règles de procédure de chaque cour. Ces frais comportent les frais pour intenter l’action, les interrogatoires au préalable, etc. Ils sont payables par la partie perdante si la cour accorde à la partie demanderesse le paiement des dépens.
Les honoraires des avocats constituent les frais extra-judiciaires et doivent être payés par le client, même si le client gagne sa cause. La partie perdante en général ne paie pas les honoraires de l’avocat de la partie gagnante.
Exceptionnellement, la Cour fédérale peut accorder des frais avocat-client (solicitor-client) mais seulement dans des cas où l’avocat de la partie perdante a agi d’une façon outrageusement abusive. Ceci existe très rarement.
DÉBOURSÉS
Les déboursés sont généralement relativement bas. Ils incluent le coût initial pour émettre la première procédure légale, les frais du huissier pour la signification de la procédure initiale, les coûts des sténographes qui procèdent à la transcription des interrogatoires au préalable, les taxis pour se rendre à la cour, les frais d’appels interurbains, les photocopies, etc., bref tout ce qui est payé à même la poche de l’avocat (out of pocket expenses). Si la cour rend jugement dans une cause, une partie de ces déboursés peut être incluse comme frais accordés à la partie gagnante. Les déboursés sont toujours chargés au compte du client, et sont payables par le client à l’avocat, qu’il agisse sur une base de pourcentage ou sur un base de taux horaire.
INTÉRÊTS
Les intérêts avant jugement sont attribués comme partie intégrante des dommages d’après le principe du droit civil – restitutio in integrum. Dans les causes de perte de cargaison, ces intérêts courent à compter de la date de la livraison.
Le taux d’intérêt avant jugement est à la discrétion de la cour. Si on réclame le taux commercial, et qu’il est prouvé, la cour pourra l’ordonner.
Les intérêts après jugement sur le montant dû ainsi que les intérêts avant jugement sont régis par la loi de la province où la cause d’action a eu lieu, et si la cause n’est pas survenue dans une province, au taux que la Cour fédérale considère raisonnable. Ces intérêts sont parfois alloués au taux légal de 5 % par an tel que prévu par la Loi sur l’intérêt (L.R.C. (1985), ch. 1-15).
Néanmoins, la cour garde une certaine discrétion pour choisir un taux différent, comme, par exemple, une moyenne du taux commercial.
CONCLUSION
Quelques mots pour vous informer que le Canada n’a pas ratifié les règles d’Hambourg.
De plus, les Règles de Rotterdam sont contestées en raison du fait que le Canada est une juridiction de “contrats-volumes”. D’après l’article 80 des Règles de Rotterdam, les parties peuvent déroger à ces obligations en présence de contrats-volumes qui sont définis de façon très large.
Merci infiniment pour votre patience et attention.